Conférence donnée par Jean-Pierre Dournel
le 14 juin 2019
Bibliothèque des Annonciades, Boulogne-sur-mer
L’Histoire
est une passion française. L’importance de la littérature historique en
témoigne ; les polémiques sur certains épisodes du passé national (Vichy,
les guerres coloniales, mais aussi la Révolution française, voire les guerres
de religion) restent vives. De même, Clio est souvent enrôlée dans les
controverses politiques du temps présent.
Pourtant,
l’enseignement de l’Histoire comme discipline à part entière ne s’est imposé
que sous la IIIe République : la défaite de 1870 avait persuadé les élites
françaises que la Prusse avait gagné la guerre grâce à ses instituteurs – et
non pas seulement grâce à ses canons –
et qu’un enseignement de l’Histoire et de de la Géographie de la France
était le meilleur instrument pour inculquer aux jeunes générations l’amour de
la patrie et de la République.
C’est
dans ce cadre que s’est écrit le roman national, à la suite des grandes
fresques romantiques comme l’Histoire de
France de Michelet. Un roman vrai (et non pas une fiction), fondé sur
l’enchaînement de faits réels authentifiés par la recherche universitaire
méthodique, mais choisis pour annoncer la France de la IIIe
république : laïque, pacifiée,
prospère et puissante. Un récit racontant l’Histoire d’une personne – la France
– née dans les forêts gauloises, qui
avait connu bien des épreuves, mais s’en
était toujours relevée grâce au courage de son peuple et à quelques personnages
providentiels.
Ce roman a imprégné l’esprit des jeunes générations jusqu’au début des années 1960. Il a ensuite été remis en question sous l’impulsion de la recherche universitaire qui a mis en évidence le caractère sélectif de la mémoire nationale et promu une Histoire qui ne soit pas seulement factuelle. L’évolution pédagogique a ensuite privilégié la réflexion sur le récit, tandis que les pouvoirs publics assignaient à l’enseignement de l’Histoire une mission différente : il s’agissait moins de former des citoyens-soldats, mais des citoyens capables de comprendre et de s’insérer dans le monde contemporain, un monde où la France n’est plus la seconde puissance mondiale, et où elle s’insère dans un ensemble européen avec les ennemis d’hier avec lesquels elle s’est réconciliée.