Par Jean-Pierre Tancré, conférence du 04/12/2015
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Au sommaire du n° 72
Editorial par Yvette Talfer p.1
Edmond de Palézieux (1850-1924)-Peintre navigateur du Boulonnais par Yann GOBERT-SERGENT p.2
De la Colonne de la Grande Armée à la Colonne de Louis XVIII à Calais par Jean-Pierre DOURNEL p.12
Les sociétés et les salons artistiques à Boulogne-sur-mer au XIXème siècle par Jérôme FOURMANOIR p.33
De la bûche de Noël aux feux de la Saint-Jean, du rite au folklore.
Par Jean-Pierre Tancré
Vendredi 4 décembre 2015
18h
Salle Cassar, Bibliothèque des Annonciades, Place de la Résistance, Boulogne-sur-mer
Ouvert à tous – Entrée gratuite
Accéder au texte de la conférence
Pendant des millénaires nos ancêtres ont célébré les solstices en faisant des feux : l’Eglise, pour lutter contre ces pratiques, voudra les christianiser : le solstice d’hiver avec Noël, celui d’été avec la Saint Jean .
Il nous en reste la bûche de Noël et quelques feux de joie la nuit du 24 Juin : en à peine un siècle nous sommes passés du rite religieux au simple folklore : nous verrons pourquoi.
La Semaine de l’Aviation de Boulogne-sur-mer, 12-22 septembre 1909
En septembre 1909, Boulogne-sur-mer organise une manifestation aérienne. Si le rassemblement n’atteint pas l’ampleur du meeting aérien qui avait été projeté, il n’en est pas moins un événement important qui est relayé par la presse et attire de nombreux spectateurs. Le Capitaine Ferber en est la vedette ; il y fait démonstration de ses talents de pilote. Malheureusement il trouve la mort le 22 septembre lors d’un atterrissage difficile.
Les organisateurs
Au mois d’août 1909, est fondée sous l’égide de M.M. Altazin, Crespel, Comté, Early, Farjon, Gournay, Lagarde et Michaux, la section boulonnaise de l’aéro-club du Nord. Ses membres songent alors à l’organisation d’un meeting aéronautique. Claude Crespel, président de l’Aéroclub Boulonnais, Charles Péron, Maire de Boulogne et Léon Butel, Président de la Commission Municipale des Fêtes se chargent de préparer l’événement. Désireux d’attirer à Boulogne l’élite des pilotes, ils se rendent à Reims où se déroule un grand meeting aérien, pour les rencontrer.
Le contexte
L’année 1909 est une année importante pour l’aviation. Encore balbutiante au début de l’année 1908, elle enregistre des progrès notables fin 1908 et durant l’année 1909. Les avions volent plus longtemps, plus haut, plus loin. On passe d’une durée de vol de 15mn25s (mai 1908) à 3h05 (août 1909), d’une altitude de 40m (octobre 1908) à 155m (août 1909), d’une distance parcourue de 12km750(mai 1908) à 180km (août 1909).
Des pilotes expérimentés émergent qui participent à l’établissement de ces progrès : Blériot, Curtis, Farman, Latham, Legagneux, les frères Wright …
Le 25 Juillet 1909, Louis Blériot réussit la traversée de La Manche au départ de Calais.
Du 22 au 29 Août 1909 a lieu le premier meeting international d’aviation. Il se déroule à Reims, sur la plaine de Bétheny. Il rassemble vingt participants des plus fameux, dont Latham, Farman, Blériot, Ferber, Paulhan, qui battent des records de vitesse et de durée de vol. Y assistent le Président de la république, Armand Fallières et le Président du Conseil, Aristide Briand. Le dimanche 29 août, les spectateurs déferlent, attirés par ces exploits.
Voir la vidéo du meeting de Reims (site de l’INA)
C’est dans ce contexte que vient s’inscrire La Semaine de l’Aviation de Boulogne-sur-mer.
L’évolution du projet
Les organisateurs de Boulogne-sur-mer ont prévu un meeting aérien, se déroulant sur une semaine, comme à Reims. Ils comptent sur l’engagement de nombreux pilotes. Une traversée Boulogne/Folkestone et retour, dotée d’un prix de 20 000 francs, doit avoir lieu. Façon pour les deux villes de concurrencer Calais et Douvres reliées peu avant par Blériot.
Annonce du prix Boulogne-Folkestone (Source : Archives Municipales de Boulogne-sur-mer)
Mais les organisateurs doivent revoir leur projet. Les pilotes contactés, en l’occurrence Paulhan, Lambert et Legagneux, ont décliné l’offre. De même Lambert dont Le Journal de Roubaix annonçait la venue. Seul le Capitaine Ferber, volant sous le nom de De Rue, accepte. Les documents relatifs à son engagement et aux données du contrat figurent dans le dossier 117J 1909/1 des Archives Municipales de Boulogne-sur-mer.
Le meeting se transforme donc en démonstration aéronautique.
On renonce à la traversée Boulogne/Folkestone.
On met au point une série d’épreuves qui seront tentées par M. de Rue : prix du kilomètre, de distance, de hauteur, de 3 tours de piste, de vitesse, des mécaniciens, Boulogne-Paris-Plage, Boulogne-Hardelot. Deux pilotes locaux, Harry Gournay et César Michaux, qui comptent parmi les fondateurs de l’aéroclub boulonnais, feront des démonstrations de planeurs.
On fera voler un ballon, que l’aéroclub consent à mettre à disposition.
Lettre de l’adjoint de l’aéroclub du Nord, mettant à disposition un ballon baptisé Le Nord, pour la manifestation (Source : Archives Municipales de Boulogne-sur-mer)
On met en place un concours de cerfs-volants.
Pour en savoir plus sur les cerfs-volants et leur expérimentation au Fort d’Alprech
Il est à noter que Boulogne-sur-mer n’est pas la seule ville à avoir des difficultés à recruter des pilotes. Dieppe, par exemple, est dans le même cas. Elle annule la manifestation. A Boulogne les préparatifs, étant déjà bien avancés, on préfère poursuivre le projet, quitte à le modifier. On a déjà fait imprimer des affiches et mis des annonces dans la presse.
Le terrain d’aviation
Le choix du terrain d’aviation incombe aux délégués de l’Aéroclub de France, M.M. Balsan et Zens, assistés de délégués de l’Aéroclub boulonnais. Ils optent pour une plaine gazonnée de la vallée de la Slack, non loin de Beuvrequen à onze kilomètres de Boulogne. Trois autres terrains avaient été pressentis : l’hippodrome d’Aubengues, la plaine de La Tour du Renard, la plaine de La Colonne.
Le terrain choisi offre les qualités requises pour faire décoller et atterrir des aéroplanes. Il est desservi par la gare de Wacquinghen, la halte ferroviaire d’Aubengues et la nationale 1, ce qui permet aux spectateurs de venir assister aux démonstrations.
Plan de situation du terrain d’aviation (Source : Archives Municipales de Boulogne-sur-mer)
Affiche précisant le code couleur des fanions ainsi que le prix des places (Source : Archives Municipales de Boulogne-sur-mer)
Toutefois, à la fin de la manifestation, Le Télégramme, journal local, rend compte dans son édition du mercredi 22 septembre des griefs exposés par les opposants à ce choix. On aurait préféré un terrain plus proche de Boulogne, qui n’aurait pas soumis les spectateurs à des déplacements fastidieux et des horaires de trains les contraignant parfois à quitter les lieux avant la fin des épreuves.
Les épreuves et leur déroulement
La manifestation comportait plusieurs épreuves.
Tableau des épreuves (Source : Archives Municipales de Boulogne-sur-mer)
Le journal Le Télégramme rend compte de ces épreuves quasi quotidiennement :
Le dimanche 12 septembre, le vent est fort. M. De Rue doit se contenter de faire des essais d’envol mais ne décolle pas.
Le lundi matin il se rend à Hardelot pour reconnaître le terrain, en vue de l’épreuve Boulogne/Hardelot qui doit se dérouler le vendredi.
Le mardi 14 septembre, M. De Rue tente le prix de la hauteur mais la météo est détestable, et il doit renoncer à voler.
Le mercredi 15 septembre a lieu le prix de la vitesse, récompensé par une prime de 1000 francs offerte par La Compagnie du Nord. Il consiste en deux tours de piste en vitesse. M. de Rue brave un vent violent et offre aux spectateurs qui sont venus nombreux, un vol réussi d’Aubengues à Wimereux.
Le jeudi 16 septembre a lieu le prix des distances totalisées. M. de Rue n’a pu revenir de Wimereux étant donné la violence du vent qui le poussait vers la falaise. Il n’est rentré que le vendredi matin.
Le samedi 18, M. de Rue exécute de très belles figures mais son appareil est endommagé à l’atterrissage. La Semaine de l’Aviation est prolongée jusqu’au jeudi suivant pour qu’il puisse trouver du matériel de remplacement
M. de Rue se rend à Paris. Il a obtenu l’aide du constructeur Voisin.
Il est de retour à Boulogne le mercredi. Il décolle pour ce qui sera son dernier vol.
Les attractions associées
Pour faire patienter les spectateurs entre les épreuves, on intercale des intermèdes acrobatiques en bicyclette. Le Société musicale donne des concerts.
Le dimanche 12 septembre, des matchs de foot sont organisés.
Affiche des manifestations associées (Source : Archives Municipales de Boulogne-sur-mer)
Le soir du mardi 21 septembre, l’aéro-club du Nord de la France organise une conférence sur l’aviation et la navigation aérienne, salle de l’Omnia, rue Coquelin, avec projections cinématographiques.
Le public
Le public français et britannique vient en nombre. On enregistre le 17 septembre, environ un millier de spectateurs.
Le Matin, 13 septembre 1909 (Source : Gallica, BNF)
Le Télégramme 22 septembre 1909 (Source : Bibliothèque des Annonciades, Boulogne-sur-mer)
Les moyens de transport mis en œuvre
La Compagnie des Chemins de Fer du Nord propose des billets à moitié prix au départ de Paris et augmente le nombre de correspondances de Boulogne à la gare de Wacquinghen.
Elle s’associe à la Compagnie de l’Est pour affréter un train spécial destiné au transport des aéroplanes.
Les compagnies maritimes affichent des prix spéciaux pour l’occasion : Boulogne-Folkestone et retour, du 1er au 30 septembre : 20 000 fr.
Les biplans Wright et Voisin utilisés par le Capitaine Ferber ont été déplacés par camions munis de plates-formes des quais de la gare, jusque Beuvrequen, via la rue Faidherbe, et la route nationale de Calais. Ce transport a attiré de nombreux curieux.
La mort du Capitaine Ferber
La manifestation aérienne se termine le 22 septembre avec la mort de M. de Rue (Capitaine Ferber).
De retour à Boulogne, après s’être rendu à Paris pour trouver un aéroplane de remplacement, il décolle le mercredi matin pour un nouvel essai. L’aile gauche de son avion ayant heurté le sol, il tente un atterrissage. L’appareil est bousculé par le vent. Une des roues se prend dans une rigole de drainage. L’avion capote. Le pilote reçoit le moteur sur le thorax et meurt quelques instants plus tard.
Coupures de journaux annonçant la mort du Capitaine Ferber, Lyon Républicain du 24 septembre 1909 (Source : Archives Municipales de Boulogne-sur-mer), Le Télégramme du 23 septembre 1909 (Source : Bibliothèque des Annonciades, Boulogne-sur-mer).
Le retentissement de la Semaine de l’Aviation dans la presse
Outre la publicité faite dans La Vie au Grand Air du 11 septembre 1909 dont on trouve la facture dans le dossier consacré à l’événement aux Archives Municipales de Boulogne-sur-mer (dossier 117J 1909/1), on trouve également une annonce du meeting dans Le Petit Journal du 19 août 1909.
Article de La Vie au Grand Air du 11 septembre 1909 (Source : Gallica, BNF)
Article du Petit Journal du 19 août 1909 (Source Gallica, BNF)
Les journaux locaux rendent compte de l’événement, dont Le Télégramme et La France du Nord (consultables à la Bibliothèque des Annonciades, Place de la Résistance, Boulogne-sur-mer), ainsi que Le Journal de Roubaix.
Annonce faite dans Le Journal de Roubaix, 1er septembre 1909 (Source : site des archives du Journal de Roubaix, www.bn-r.fr › Presse ancienne)
Des journaux nationaux le font également, dont Le Matin.
On trouve aussi des comptes-rendus dans les journaux anglais : The Times, The Morning Post et The Daily News.
Anne-Marie Cojez
Quelques liens
http://www.aerosteles.net/stelefr-boulogne-ferber
http://www.aeroclub-boulonnais.fr/presentation/historique/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Grande_Semaine_d’Aviation_de_la_Champagne
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ferdinand_Ferber
Quand Fantômas s’invite à Boulogne-sur-mer pour les fêtes de l’aéronautique